Pour les freelances basés en France, travailler avec des clients étrangers représente de nombreuses opportunités. Collaborer avec des partenaires européens ou internationaux est l’occasion de se familiariser avec de nouvelles cultures et de découvrir de nouvelles méthodes. Il s’agit également d’une bonne façon d’accroître son bassin de prospects et de diluer le risque commercial. Pourtant, se lancer à la conquête du monde implique un peu de préparation.
Voici quelques aspects administratifs et juridiques à connaître afin de devenir un véritable « pro » des transactions internationales. Si vous souhaitez publier vos photos dans un magazine allemand indépendant ou louer vos talents de graphiste à une prestigieuse maison d’édition américaine, ce qui suit devrait vous intéresser.
Rédiger un devis ou un contrat de mission freelance pour l’international
Pour louer vos services à un client étranger, il vous faut avant tout passer par la case « contrat ». Cette étape vous permet de vous mettre tous deux d’accord sur les tenants et les aboutissants de votre mission de freelance.
Le contrat, ou le devis (qui vaut contrat) fixent les conditions de votre collaboration. Une fois signé, cet accord a une valeur juridique. Il détermine les obligations de chacun et peut être utilisé en justice en cas de litige.
Jusqu’ici, rien de bien différent avec vos habitudes hexagonales.
Que vous contractiez avec un client français ou étranger, les informations principales à faire figurer sur votre devis ou votre contrat ne changent pas. Vous devez notamment indiquer la date, le nom et l’adresse de votre société et de celle de votre client, le détail de la mission, sa durée et son prix, la durée de validité du devis, le numéro du devis, les conditions de paiement (acompte, moyen de paiement… etc.) ou encore la cession de vos droits d’auteur.
Cependant, lorsque vous rédigez un devis ou un contrat à l’intention d’un client étranger, plusieurs points doivent retenir votre attention.
Rédigez votre devis ou votre contrat de préférence en français. Si besoin, faites traduire la convention par un spécialiste et précisez quelle est la version qui fait foi.
Indiquez précisément la monnaie dans laquelle sera facturée la prestation (dollar canadien, dollar australien, euro… etc.). Il est possible de chiffrer votre prestation dans une devise étrangère à deux conditions : cette dernière doit être reconnue internationalement et convertible en euros.
Précisez quel est le droit applicable à votre contrat. Lorsque vous contractez avec un client étranger, différentes lois peuvent s’appliquer à votre contrat. On parle de « conflit de lois ». Pour éviter tout problème ultérieur, entendez-vous d’emblée sur les règles qui régiront votre convention. Si vous omettez de choisir la loi qui lui est applicable, le juge saisi tranchera en fonction de son droit national et du droit international. Les clauses et les silences de votre contrat ne seront pas interprétés de la même façon qu’en droit français.
Indiquez quel sera le tribunal compétent en cas de litige. Une clause déterminant la juridiction compétente en cas de différend est un véritable gain de temps. Une telle mention vous permet de savoir où faire juger ou arbitrer votre contentieux le cas échéant. Si vous l’omettez, c’est le juge saisi qui devra désigner le tribunal compétent. Tâchez de faire correspondre le droit applicable et la juridiction choisie (exemple : droit français et tribunal français).
Pour vous prémunir contre les mauvais payeurs et vous éviter de fastidieuses procédures de recouvrement, pensez à demander un acompte ou un paiement anticipé avant de commencer votre mission. Dans la même perspective, n’oubliez pas de faire figurer au contrat le délai de paiement ainsi que le montant des intérêts dus en cas de retard de paiement.
Vous pouvez également mentionner dans votre contrat le moyen de paiement à employer. Privilégiez les plus « sûrs » comme le virement SEPA (dans la zone euro) ou le virement SWIFT à l’international (attention cependant aux frais bancaires). Le chèque, moins sécurisé (« chèque en bois », fraude au chèque… etc.) et moins utilisé, sera peut-être une solution moins enviable.
Si votre client vous soumet un contrat, pensez à bien en lire toutes les clauses et définitions avant de le signer. N’hésitez pas à demander des éclaircissements et à négocier les clauses qui ne vous conviennent pas.
En cas de doute quant au contrat de mission, faites-vous accompagner par un professionnel du droit. Un avocat saura vous conseiller. Certaines associations ou encore certaines mairies donnent accès à une aide juridique gratuite. Il est également possible que votre banque ou votre assurance professionnelle inclue dans ses services la possibilité de poser des questions de droit à des juristes.
Vous pouvez aussi vous tourner vers des acteurs legal tech comme Captain Contrat ou Legalstart, qui vous permettront d’accéder à des conseils à moindre coût.
Enfin, n’hésitez pas à consulter les « recommandations pratiques relatives à la gestion des crédits et des créances transfrontaliers ». Ce guide, fourni et accessible, proposé par l’Union européenne, vous permettra de glaner de précieux conseils qui vous accompagneront tout au long de votre relation commerciale, y compris en cas de retard de paiement.
Facturer un client étranger quand on est freelance en France
Point d’orgue de votre prestation, la facture doit faire l’objet de tous vos soins.
Là encore, les mentions obligatoires principales ne diffèrent pas de celles figurant sur vos factures habituelles : date d’édition et numéro de la facture, date de la prestation, identité et numéro de TVA de chacune des parties, description de la prestation, prix, taux de TVA applicable, la somme totale à régler hors taxes (HT) et toutes taxes comprises (TTC), les indemnités en cas de retard de paiement et la date limite de paiement ou encore les modalités de paiement.
Mais attention, derrière son apparence de normalité, la facture « internationale » cache quelques menues originalités qu’il convient d’apprivoiser.
Notez tout d’abord que votre facture peut être rédigée dans la langue de votre client. Attention, si tel est le cas vous devez disposer d’une version traduite en français par un traducteur habilité. En cas de contrôle, l’Administration pourra en effet vous demander une facture rédigée dans la langue de Molière.
Comme évoqué plus haut, vous êtes également autorisé à facturer votre prestation dans une monnaie étrangère, pour peu qu’elle soit convertible en euros et reconnue officiellement. Si vous choisissez cette option, sachez que vous devrez faire apparaître le taux de change en euros sur votre facture. Il vous faudra par ailleurs faire figurer la facture en euros dans votre comptabilité en la convertissant selon le taux en vigueur.
Venons-en à la sempiternelle question de la TVA.
Lorsque vous facturez une prestation de service à un client étranger, des règles particulières s’appliquent en matière de TVA.
Si votre client est situé dans l’Union européenne et dispose d’un numéro de TVA, alors, en principe, vous ne lui facturez pas de TVA (on dit qu’il autoliquide la TVA). Vous devez faire figurer sur vos factures la mention « Exonération de TVA en vertu de l’article 196 de la directive 2006/112/CE ». Vous facturez donc hors taxes (HT).
Attention, en plus du numéro de TVA de votre client, vous devez faire figurer votre propre numéro de TVA sur la facture. Si vous n’êtes pas redevable de la TVA (parce que vous êtes micro-entrepreneur par exemple), il vous faut demander un numéro de TVA auprès de votre service des impôts des entreprises (SIE). Cette démarche ne met pas fin à la franchise en base TVA dont vous bénéficiez. Que vous soyez redevable de la TVA ou non, vous avez l’obligation de déclarer vos transactions européennes. Pour cela, il vous faut remplir chaque mois une Déclaration Européenne de Service (DES) sur douane.gouv.fr.
Si votre client n’est pas basé en Europe, les choses sont (en principe) plus simples : vous ne facturez pas de TVA. Le prix qui apparaît sur votre facture est donc indiqué hors taxes (HT). Vous devez ajouter la mention « auto-liquidation » sur votre facture.
Si votre client est un particulier, européen ou extra-européen, vous devez (en principe) lui facturer la TVA française. Attention néanmoins, il existe de nombreuses exceptions. Par exemple, les freelances qui proposent des services de télécommunication, de radiodiffusion et de télévision et des services électroniques doivent quant à eux facturer la TVA au taux en vigueur dans le pays de leur client.
La TVA étant un univers plein de surprises et quelque peu extravagant, nous vous conseillions de consulter le site interactif europa.eu.
Par ailleurs, nous vous encourageons vivement à demander conseil à votre comptable afin de connaître précisément la règle applicable au type de service que vous proposez, aux pays dans lesquels vous et vos clients résidez respectivement et à la nature de vos clients.
N’oublions pas le précompte et le 1,1 % diffuseur !
Bonne nouvelle : si vous êtes auteur MDA/Agessa, lorsque vous facturez un client étranger le précompte et le 1,1 % diffuseur ne s’appliquent pas.
Les bonnes pratiques pour collaborer avec des clients étrangers
Vous connaissez désormais les principaux points de vigilance à considérer lorsque vous travaillez avec des clients étrangers. En plus de ces aspects administratifs incontournables, différentes habitudes vous permettront de travailler sereinement avec vos clients étrangers.
Pour vous prémunir contre les problèmes de paiement, quelques précautions s’imposent.
Vérifiez l’existence de la société de votre client, sa réputation et l’identité de votre interlocuteur avant d’entamer toute relation commerciale.
En cas de problème de paiement, sachez que différents moyens visent à faciliter le recouvrement des créances (dettes) au sein de l’UE. Le site officiel de l’Union européenne, europa.eu, vous en propose un et vous informe à propos de la procédure de recouvrement transfrontalière des créances applicable au sein de l’Union.
De votre côté, prenez garde à ne pas outrepasser vos droits et à bien vous assurer.
Veillez à posséder les autorisations nécessaires pour exercer votre activité dans le pays de votre client.
Par ailleurs, pensez à prendre une assurance responsabilité civile professionnelle (RC pro) qui vous couvre pour les prestations réalisées au bénéfice de vos clients. La MAIF, en propose une.
Si vous vous déplacez dans le pays de votre client afin de délivrer votre prestation, renseignez-vous sur les conditions dans lesquelles vous pouvez séjourner et travailler dans le pays. Le législateur local pourrait considérer que vous avez un « établissement stable » sur son territoire et vous demander d’y régler l’impôt à ce titre.
Enfin, souvenez-vous que les relations professionnelles prennent différentes formes d’un pays à un autre.
Tentez de vous familiariser avec de nouvelles manières de communiquer. Ne vous formalisez pas, par exemple, si les échanges vous semblent particulièrement directs (à la hollandaise) ou au contraire si vos clients ne communiquent qu’à demi-mot (à l’anglaise). Travailler avec des partenaires internationaux est une merveilleuse aventure, aussi enrichissante que surprenante.
Vous en savez désormais un peu plus sur les aspects administratifs à prendre en considération lorsque vous travaillez avec un client étranger. Ces éléments en tête, vous pouvez vous lancer sereinement dans l’aventure internationale !
Photo de couverture Mimi Thian
Photo #2 Green Chameleon
Cet article a été initialement écrit par Flore Campestrini pour le site Amedee.co.